L’Italie entre crise politique et crise bancaire

Il y a quelques mois à peine, le Premier ministre italien, Matteo Renzi [Photo], semblait jouir d’une popularité indestructible. Il avait pris les commandes du gouvernement en février 2014, avec des objectifs ambitieux et entièrement partagés par la grande bourgeoisie : faire du Parti Démocrate (PD) la force politique dominante du pays ; relancer l’économie ; mettre en œuvre une réforme du système politique et constitutionnel conforme aux intérêts du grand Capital.

Et pourtant, le principal perdant des élections municipales de juin dernier, c’est Matteo Renzi. Le Parti Démocrate recule nettement. L’énorme mécontentement de millions de travailleurs et de jeunes a trouvé une expression dans l’abstention et dans le soutien au « Mouvement 5 Etoiles » (M5S) de Beppe Grillo. A la recherche d’un instrument crédible dans leur opposition à Renzi, les masses ont tendance à choisir ce qui est le plus disponible, en l’occurrence le M5S. La gauche était trop insignifiante pour jouer ce rôle. Ceci dit, le M5S n’a pas de politique alternative sur les questions fondamentales et démocratiques. Il le démontrera rapidement dans les grandes villes qu’il a conquises, telles Rome et Turin.

Bombe à retardement

La situation économique ne s’améliore pas. Suite au Brexit, le Centre d’études de la Confindustria (l’équivalent du Medef) a révisé à la baisse ses prévisions de croissance du PIB italien – à 0,8 % cette année, puis 0,7 % en 2017.

Le système bancaire vacille. Les crédits pourris détenus par les banques italiennes s’élèvent à 360 milliards d’euros, soit 18 % du total des crédits. Ce chiffre est de 6 % pour l’ensemble de la zone euro. Pour faire face à ce problème et recapitaliser les banques, le gouvernement a créé le fonds « Atlante ». Mais ses 5 milliards d’euros de dotation initiale ont déjà été absorbés par les sauvetages de plusieurs banques.

De nouvelles faillites sont attendues. Les actions bancaires ont déjà perdu 56 % de leur valeur depuis le début de l’année 2016. Mais ne vous inquiétez pas, Renzi trouvera toujours de l’argent pour sauver les banques, au cri de : « privatisons les profits, nationalisons les pertes ! »

Un plébiscite risqué

Sur les réformes constitutionnelles, le Premier ministre a convoqué un référendum pour le mois d’octobre. Ces réformes consistent à réduire les pouvoirs du Parlement et accroître ceux de l’exécutif. Pendant des mois, Renzi a voulu transformer ce référendum en plébiscite : « avec ou contre moi. » Cela pourrait se retourner contre lui et se transformer en une gifle, non seulement contre le Premier ministre, mais contre l’ensemble de l’establishment italien – à la façon du Brexit en Grande-Bretagne.

La bourgeoisie internationale est très pessimiste sur la situation en Italie. Un récent éditorial du Financial Times était intitulé : L’Italie pourrait être le prochain domino à tomber. On y lisait : « Le Premier ministre italien fait un pari (sur le référendum constitutionnel) pas moins risqué que celui de David Cameron. (...) La dynamique politique en Italie n’est pas très différente de celle du Royaume-Uni. L’électorat est dans un climat insurrectionnel. Et le pays n’a pas connu de croissance de sa productivité depuis son adhésion à la zone euro, en 1999. »

Les stratèges du Capital les plus lucides comprennent ce que nous, marxistes, expliquons depuis longtemps. Sous le calme apparent, comme celui d’un volcan endormi, des forces gigantesques peuvent exploser à tout moment. Le retard de la lutte de classe en Italie est dû à l’effondrement de la gauche politique et à l’obstacle que constitue le M5S, qui se présente comme « au-dessus des classes » et limite son action au Parlement et autres institutions bourgeoises.

De son côté, pendant l’été, la direction de la CGIL (l’équivalent de la CGT) a accroché un panneau : « fermé pour les vacances ». Elle reparlera des luttes – peut-être – à l’automne. Pourtant, dans les manifestations des métallurgistes, des fonctionnaires et des enseignants, nous avons constaté une volonté de se battre. Le slogan : « faisons comme en France » a été repris par de nombreux travailleurs !